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La traite d’êtres humains : un fléau mondial qui continue d’inquiéter et de mobiliser la communauté internationale

Le 14 novembre dernier, CNN diffusait sur sa chaîne un reportage sur des migrants africains vendus comme esclaves en Lybie. Un reportage choc qui a permis de dénoncer une nouvelle fois les atrocités vécus par de nombreux migrants, et qui, plus largement nous rappelle que la traite d’êtres humains est loin d’avoir disparue.

 

Une communauté internationale mobilisée

 

La communauté internationale se mobilise depuis longtemps sur ce sujet, œuvrant à la mise en place des moyens juridiques et financiers pour combattre ce fléau qui n’a pas de frontières.

 

Les Nations-Unies ont été pionniers dans la mise en œuvre de la lutte contre la traite d’êtres humains, notamment grâce à la signature de la Convention des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes (appelée Convention de Palerme). Pour la première fois, la communauté internationale dispose d’une définition internationalement reconnue de la traite d’êtres humains ainsi que des normes permettant aux états membres de mettre en place des mesures au plan national.

Cette convention définit la traite des personnes comme « l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes », au moyen de « recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes (…) ». Présenté comme un « instrument international visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et des enfants », ce texte fondateur ne constituait pas encore un outil de protection des victimes suffisant.

Dans la continuité de la démarche, le Conseil de l’Europe approuvait en mai 2005, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite d’êtres humains, texte qui venait répondre « à un besoin d’élaborer un instrument juridique international global qui soit centré sur les droits de la personne humaine des victimes de la traite et qui mettre en place un mécanisme de suivi spécifique ».

En tant que garant de la sécurité des territoires et des valeurs démocratiques, l’OTAN s’est lui aussi engagé dans ce combat. En effet, au regard de l’ampleur du phénomène et de la fragilité qu’il engendré sur les territoires où l’Alliance est présente, l’OTAN s’est naturellement positionnée à lutter contre la traite des personnes. Sur le site officiel de l’OTAN, le Secrétaire général adjoint pour la politique et les plans de défense et coordinateur principal des activités en matière de lutte contre la traite des êtres humains, affirmait que « cette violation universellement condamnée des droits de l’homme affecte la stabilité et la sécurité dans les régions où l’OTAN est engagée politiquement et militairement. Il rappelait alors « le rôle » que devait jouer l’OTAN « dans la lutte contre cette forme de crime organisé ».

 

C’est le 28 juin 2004, à l’occasion du Sommet d’Istanbul, que les pays membres de l’OTAN, tous signataires du Protocole des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée, entérinaient la mise en place d’une politique propre à l’OTAN en matière de lutte contre la traite d’êtres humains. Dans le communiqué officiel qui concluait ce sommet, les chefs d’état et de gouvernement affirmaient l’adoption d’« une politique globale pour contribuer aux efforts menés au niveau international afin de lutter contre la traite des êtres humains, qui constitue une violation flagrante des droits de l’homme et qui alimente la corruption et la criminalité organisée. Les pays de l’Alliance témoignaient ainsi leur détermination « à collaborer » afin « d’appuyer les efforts menés au niveau international ».

 

En 2010, un nouveau cap est franchi par la mise en place d’un Plan mondial des Nations-Unies de lutte contre la traite d’êtres humains. Ce plan, approuvé le 30 juillet 2010 à l’unanimité établissait un programme de 61 actions visant 6 objectifs majeurs. Parmi eux : promouvoir la ratification du Protocole des Nations Unies par tous les états membres, renforcer leur engagement politique et leur obligation dans cette lutte, promouvoir au niveau national, régional et international une approche globale de la lutte contre la traite d’êtres humains.

 

Malgré une mobilisation d’envergure par la communauté internationale depuis ces dernières décennies, le rapport mondial de la traite d’êtres humains, publié par l’Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) le 21 décembre 2016, révèle des chiffres de ce trafic humain et montre que la mobilisation doit être maintenue au plus haut niveau par l’ensemble des acteurs étatiques et internationaux.

 

 

Le rapport mondial de la traite d’êtres humains de l’ONUDC publié en 2016

 

 

-Les femmes et enfants, encore et toujours, des cibles privilégiées.

 

Selon le rapport, les femmes et les filles représentent 71 % des victimes de traite d’êtres humains. Un chiffre qui, une nouvelle fois, confirme que les guerres et situations de conflits ont un impact démesuré sur les femmes et les filles. http://natoassociation.ca/unscr-1325-women-peace-and-security-17-years-later/
Plus précisément, les femmes représentent 51 % des victimes de la traite, les hommes 21 %, les filles 20 % et les garçons 8%. Ce chiffre s’explique par le fait que l’exploitation sexuelle est la forme la plus répandue de la traite des personnes : 54 % des actes d’exploitation sont relatifs à l’exploitation sexuelle dont les femmes et les filles sont victimes à 96 %.

 

Quant à l’exploitation des enfants, les chiffres sont tout aussi glaçants : à eux seuls, les filles et les garçons représentent 28% des victimes de la traite d’êtres humains au travers le monde. Parmi les zones tristement record, l’Amérique centrale pour laquelle 64 % des victimes de la traite sont des enfants et l’Afrique subsaharienne où ils représentent 62% des victimes, dont beaucoup sont enrôlés comme enfant-soldats dans des groupes armés.

 

 

-L’exploitation sexuelle, traite des personnes la plus répandue dans le monde

 

Le rapport précise que, dans la majorité des zones du globe, l’exploitation sexuelle reste la forme la plus répandue de la traite des personnes.

 

En Europe de l’ouest et du Sud :
– l’exploitation sexuelle représente 66 % des actes d’exploitation
– le travail forcé : 30 %
– les « autres exploitations » : 4%

 

En Europe centrale :
– l’exploitation sexuelle représente 65 % des actes d’exploitation
-le travail forcé : 23 %
– les « autres exploitations » : 12 %

 

En Asie de l’Est et région du Pacifique :
– l’exploitation sexuelle représente 61 % des actes d’exploitation
– le travail forcé : 32%
– les « autres exploitations » : 7%

 

En Amérique du Sud :
– l’exploitation sexuelle représente 57% des actes d’exploitation
– le travail forcé : 29%
– les « autres exploitations » : 14 %

 

En Amérique centrale et Caraïbes :
– l’exploitation sexuelle représente 57 % des actes d’exploitation
– le travail forcé : 16 %
– les autres exploitations : 27 %

 

En Amérique du Nord :
-l’exploitation sexuelle représente 55 % des actes d’exploitation
– le travail forcé : 39%
– les autres exploitations : 6%

 

 

Des formes d’exploitations de plus en plus diverses.

 

Le travail forcé est la deuxième forme d’exploitation la plus courante. Dans certaines zones, le travail forcé dépasse même parfois les records de l’exploitation sexuelle dans le monde.
-En Europe de l’Est, par exemple, il représente 64 % des actes d’exploitation, alors que l’exploitation sexuelle représente 31 % et que les autres exploitations représentent 5%.
-En Afrique Subsaharienne, le travail forcé représente 53%, l’exploitation sexuelle 29% et les autres formes d’exploitations 18 %.
-Enfin, en Afrique du nord, le travail forcé reste également la forme de traite d’êtres humains majoritaire puisqu’il représente 44% des actes d’exploitation et que l’exploitation sexuelle en représente 39%. Egalement, il est à noter qu’en Afrique du nord, le trafic d’organe représente 3% des formes d’exploitation.

 

Le rapport lève également le voile sur la récente diversification des formes d’exploitation des personnes. « La traite pour l’exploitation sexuelle et le travail forcé restent les formes les plus importantes décelées, mais les victimes sont aussi exploitées pour mendier, pour des mariages arrangés ou blancs, du détournement d’allocations sociales ou de la production pornographique », dénonçait Yury Fedotov, Secrétaire général de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime lors de la présentation du rapport mondial en décembre 2016.

 

 

Les groupes armés et terroristes, nouveaux bourreaux. Migrants, nouvelles victimes.

 

Déjà l’année passée, le Conseil de sécurité avait vivement dénoncé les actes de traite d’êtres humains pratiqués par certains groupes armés et terroristes. Une inquiétude qui avait conduit ce Conseil à approuver la résolution 2331 dans lequel il se déclarait « profondément préoccupé par le fait que les actes de violence sexuelle et sexiste, notamment lorsqu’ils sont associés à la traite d’êtres humains, s’inscrivent notoirement parmi les objectifs stratégiques et dans l’idéologie de certains groupes terroristes. Aussi, afin de combattre la traite d’êtres humains qui, pour ces groupes, représente « une tactique du terrorisme et un instrument servant à alimenter leurs coffres », la résolution 2331 poussait les états membres à plus d’action. Le texte insistait sur une implication de chaque état membre, et notamment, à ratifier « à titre prioritaire », la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole si les états ne l’avaient pas fait et à « prendre des mesures décisives et immédiates » pour prévenir et réprimer la traite.

 

Un an après le vote de la RCS 2331, Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, a présenté un rapport sur la traite d’êtres humains en période de conflit armé, établi en application de la résolution 2331 du Conseil de sécurité. Alors, quels résultats ? Malheureusement, le constat est que la situation est encore bien préoccupante. En effet, le Secrétaire général des Nations Unies déclarait que « les activités terroristes tels que l’Etat Islamique d’Irak et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech) et d’autres groupes armés qui se livrent à la traite des êtres humains continuent de susciter une vive préoccupation. » Quant aux femmes et aux filles, elles « continuent d’être exploitées, contrainte de se marier et offertes en récompenses à des combattants et associés » dans les états islamique d’Irak et du Levant.

 

Le rapport souligne aussi la situation des enfants. « En temps de conflit, les enfants sont les plus exposés à la traite » indique le texte. Exemples macabres dans le nord-est du Nigéria où 83 enfants dont 55 filles ont été utilisés pour commettre des attentats-suicide entre le 1er janvier et le 22 août 2017. Aux Philippines, les groupes armées et terroristes ont utilisé 47 enfants comme boucliers humains dans deux incidents distincts.

 

Une situation qui suscitait un nouvel élan des états membres des Nations-Unies et qui se rassemblaient en Assemblée générale le 27 septembre 2017. Celle-ci, dans une déclaration politique, se disait « inquiète que de plus en plus de liens existaient entre les groupes armés ou terroristes et la traite des personnes » et réaffirmait son implication dans le plan mondial ainsi qu’une « ferme volonté politique d’agir résolument et de concert pour mettre fin à ce crime odieux, où qu’il se produise. »

 

Aujourd’hui, le cas de la Libye en dit long sur la situation actuelle : la traite d’êtres humains n’est absolument pas révolue. Pire encore, des nouvelles formes d’exploitation apparaissent, ainsi que des nouvelles victimes, les migrants. Déjà fragilisés par les situations de conflits ou de post conflits de leur pays, ils sont devenus des proies faciles à la solde des trafiquants, groupes armés et terroristes qui montent en puissance.

 

Le 21 novembre dernier, le Conseil de Sécurité des Nations-Unis se réunissait afin de faire face à l’urgence de la situation. Antonio Guterres y rappelait alors la « responsabilité collective d’arrêter ces crimes ». Aussi, la nouvelle résolution RCS 2388 était approuvée en suivant. Mais cette nouvelle résolution qui « condamne à nouveau avec la plus grande fermeté tous les actes de traite d’êtres humains, en particulier de femmes et d’enfants » reste très proche dans sa rédaction de la résolution précédente. A nouveau, un appel à la mobilisation des états, à renforcer leur implication et leur obligation à d’incriminer, prévenir et combattre la traite, à renforcer dans leur législation de lutte contre la traite, à « redoubler d’effort ». Et encore une fois, un appel à la signature et à la ratification de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale et son protocole additionnel.

 

Car en effet, force est de constater que certains états n’ont toujours pas signé ou ratifié ces textes qui sont incontournables afin de lutter contre la traite d’êtres humains. Un acte, ou plutôt une absence d’acte, qui pousse à la réflexion quant à l’implication concrète de certains pays dans ce combat. Or, le fait est que pour être efficace, la lutte contre la traite des personnes passe par une implication réelle de chacun des états, par le biais de plan nationaux, coordonnés à l’action internationale. Cette implication de chacun des états sera la clé pour enfin en finir avec ces crimes.

 

Le prochain rapport mondial de la traite d’êtres humains paraitra en décembre 2018 et permettra de constater l’efficacité des mesures qui ont été nouvellement mises en place par la communauté internationale. Et alors que certains états tardent à entrer concrètement dans l’action, des fillettes sont offertes en récompense par les groupes terroristes, des enfants-soldats meurent sur les champs de bataille et des hommes sont vendus comme esclaves sur les marchés en Libye. Pour eux, au contraire les choses sont allées très vite. Trop vite, car rien n’a pu les empêcher.

Christelle Ducarme
Christelle Ducarme is a Program Editor. She graduated with a Masters of Public Law from the University of Law and Political Sciences of Montpellier in France. After her studies, she decided to orientate her career towards public policy. She has a real passion for civil society and international institutions. She joined the NATO Association of Canada in November 2017 in order to contribute to the promotion of its mission. She writes articles about international Policy, especially in French to promote the bilingualism within the organization.